Histoire

Arabisation des Kabyles et loi du 23 mars 1882

On reproche à la colonisation française d’avoir arabisé les Kabyles. Avant la colonisation française les Kabyles se présentaient comme étant les Aït Mahmoud, Aït Si Ali, Aït Brahim, Ait Saïd, etc. mis à part le Aït les noms sont tous arabes. Ce n’est pas l’administration française qui a imposé aux Kabyles des noms arabes. Ils ont choisi librement leur nom patronymique. Pour preuve cette Loi qui constitue l’État civil des Indigènes musulmans de l’Algérie du 23 mars 1882.

Il est spécifié à l’article 3.

« Chaque indigène n’ayant ni ascendant mâle dans la ligne paternelle, ni oncle paternel, ni frère aîné, sera tenu de choisir un nom patronymique, lors de l’établissement du registre matrice.

Si l’indigène a un ascendant mâle dans la ligne paternelle, ou un oncle paternel, ou un frère aîné, le choix du nom patronymique appartient successivement au premier, au deuxième, au troisième.

Si l’indigène auquel appartiendrait le droit de choisir le nom patronymique est absent de l’Algérie, le droit passe au membre de la famille qui vient après lui. S’il est mineur, le droit appartient à son tuteur. »

Voici le texte intégral de la loi en question.

BULLETIN DES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 689.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

N° 11,663 – Loi qui constitue l’État civil des Indigènes musulmans de l’Algérie du 23 mars 1882.

(Promulguée au Journal officiel du 24 mars 1882.)

LE SÉNAT ET LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ONT ADOPTÉ,

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI dont la teneur suit :

TITRE ler – CONSTITUTION DE L’ÉTAT CIVIL DES INDIGÈNES MUSULMANS.

ART. 1er. Il sera procédé à la constitution de l’état civil des indigènes musulmans de l’Algérie.

  1. Dans chaque commune et section de commune, il sera fait préalablement par les officiers de l’état civil, ou, à leur défaut, par un commissaire désigné à cet effet, un recensement de la population indigène musulmane.
    Le résultat de ce recensement sera consigné sur un registre matrice tenu en double expédition, qui mentionnera les noms, prénoms, profession, domicile, et, autant que possible, l’âge et le lieu de naissance de tous ceux qui y seront inscrits.
  2. Chaque indigène n’ayant ni ascendant mâle dans la ligne paternelle, ni oncle paternel, ni frère aîné, sera tenu de choisir un nom patronymique, lors de l’établissement du registre matrice.
    Si l’indigène a un ascendant mâle dans la ligne paternelle, ou un oncle paternel, ou un frère aîné, le choix du nom patronymique appartient successivement au premier, au deuxième, au troisième.
    Si l’indigène auquel appartiendrait le droit de choisir le nom patronymique est absent de l’Algérie, le droit passe au membre de la famille qui vient après lui. S’il est mineur, le droit appartient à son tuteur.
  3. Dans le cas où la famille qui doit être comprise sous le même nom patronymique ne se composerait que de femmes, le droit de choisir le nom patronymique appartient à l’ascendante, et, à défaut d’ascendante, à l’aînée des sœurs, conformément au principe posé par l’article 3.
  4. En cas de refus ou d’abstention de la part du membre de la famille auquel appartient le droit de choisir le nom patronymique, on de Persistance dans l’adoption du nom précédemment choisi par un ou plusieurs individus, la collation du nom patronymique sera faite par le commissaire à la constitution de l’état civil.
  5. Le nom patronymique est ajouté simplement sur le registre matrice aux noms actuels des indigènes.
    Lorsque le travail de l’officier de l’état civil ou du commissaire aura été homologué, conformément aux dispositions de l’article III ci-après, le registre matrice deviendra le registre de l’état civil, les deux doubles seront envoyés au maire de la commune, qui y inscrira les actes de l’état civil des indigènes musulmans reçus depuis sa confection, gardera un des doubles et enverra l’autre au greffe du tribunal civil de l’arrondissement.
    Une carte d’identité, ayant un numéro de référence à ce registre et indiquant le nom et les prénoms qui y seront portés, sera ensuite délivrée sans frais à chaque indigène.
  6. Lorsqu’un nom patronymique devra être commun à un chef de famille domicilié dans une circonscription et à des descendants ou collatéraux domiciliés hors de ladite circonscription, avis du nom adopté par le premier sera donné auxdits descendants ou collatéraux, à la diligence du fonctionnaire chargé de la constitution de l’état civil, et par l’intermédiaire de l’autorité administrative de leur commune.
    Ils seront inscrits dans cette dernière, suivant cette indication. La notification sera accompagnée de la remise de la carte d’identité.
    Si, au contraire, l’indigène à qui le choix du nom patronymique appartient est domicilié dans une circonscription autre que la circonscription actuellement recensée, il sera mis en demeure, par le maire ou par l’administrateur de la commune, à la diligence du commissaire, d’avoir à faire choix du nom patronymique sous lequel sera inscrit le groupe familial.
    Une carte d’identité sera ensuite adressée à tous les membres de ce groupe.
  7. Dans les circonscriptions où la loi du 26 juillet 1873, sur la constitution de la propriété individuelle, aura été exécutée, le nom patronymique donné à l’indigène propriétaire, en vertu de l’article 17 de cette loi, ne sera attribué à la famille que s’il est choisi par ceux auxquels ce droit est réservé par les articles 3 et 4 de la présente loi.
    Si ces individus ont fait choix d’un autre nom, l’indigène propriétaire, membre de la même famille, ajoutera ce nom à celui qui lui a été donné précédemment.
    Mention de cette addition sera faite sur son titre de propriété, ainsi qu’au bureau des hypothèques, en marge du titre y déposé ou du registre sur lequel la transcription a eu lieu.
  8. Les dispositions qui précèdent sont applicables, au fur et à mesure de la constitution de l’état civil dans le lieu de leur domicile :
    Aux indigènes musulmans présents sous les drapeaux ;
    À ceux qui se trouvent dans les hôpitaux ou hospices ;
    À ceux qui sont détenus dans une prison de France ou d’Algérie.
    Dans ces cas, les chefs de corps, les directeurs des hôpitaux et hospices, les directeurs de prison ; remplissent les attributions conférées au maire ou à l’administrateur pour l’exécution de la présente loi.
  9. À la demande des intéressés, ou sur les réquisitions du procureur de la République, mention sera faite, en marge des actes de l’état civil dressés antérieurement, des noms patronymiques attribués en vertu de la présente loi ou de la loi du 26 juillet 1873.
    Pareille mention sera faite, à la diligence du procureur de la République, sur les bulletins n° 1 classés au casier judiciaire.
  10. Lorsque le travail de constitution de l’état civil sera terminé dans une circonscription, avis en sera donné dans le Mobacher et par affiches placardées dans la commune.
    Un délai d’un mois est accordé à tous les intéressés pour se pourvoir, en cas d’erreur ou d’omission, contre les conclusions du commissaire à la constitution de l’état civil.
  11. Dans le mois qui suit l’expiration de ce délai, ledit commissaire rectifie, s’il y a lieu, les omissions et les erreurs signalées.
  12. À l’expiration de ce dernier délai, le travail du commissaire est provisoirement arrêté par lui, transmis au gouverneur général civil, qui, le conseil de gouvernement entendu, prononce sur les conclusions dudit commissaire.
    Au cas où l’opposition des parties soulèverait une question touchant à l’état des personnes, cette question sera réservée et renvoyée devant les tribunaux compétents, soit par le commissaire, soit par le gouverneur général, sans que, pour le surplus, l’homologation du travail de constitution de l’état civil soit retardée.
    À partir de l’arrêté d’homologation, l’usage du nom patronymique devient obligatoire pour les indigènes compris dans l’opération.
    Dès ce moment, il est interdit aux officiers de l’état civil, aux officiers publics et ministériels, sous peine d’une amende de cinquante à deux cents francs (5o à 2oo f..), de désigner lesdits indigènes, dans les actes qu’ils sont appelés à recevoir ou à dresser, par d’autres dénominations que celles portées dans leurs cartes d’identité.
    Tout indigène musulman qui ne sera pas en possession d’un nom patronymique, et qui établira son domicile dans une circonscription déjà soumise à la constitution de l’état civil, devra, dans le délai d’un mois, faire sa déclaration au maire ou à l’administrateur qui en tient lieu. Celui-ci procédera à son égard comme il a été dit aux articles précédents. L’indigène sera ensuite inscrit sur le registre matrice avec le nom patronymique qu’il aura choisi ou qui lui aura été attribué.
    À défaut de déclaration, il sera procédé d’office, par le maire ou l’administrateur, comme il est dit ci-dessus.

TITRE II. DES ACTES DE L’ÉTAT CIVIL.

  1. Les déclarations de naissance, de décès, de mariage et de divorce deviennent obligatoires pour les indigènes musulmans à partir du jour où, conformément à l’article 14, l’usage du nom patronymique devient lui-même obligatoire.
    Les déclarations sont appuyées de la carte d’identité des intervenants à l’acte.
    Les noms portés dans ledit acte sont rigoureusement reproduits suivant l’orthographe de la carte d’identité.
  2. Les actes de naissance ou de décès concernant les indigènes musulmans sont établis dans les formes prescrites par la loi française.
    Les actes de mariage et de divorce sont établis sur une simple déclaration, faite dans les trois jours, au maire de la commune ou à l’administrateur qui en remplit les fonctions, par le mari et par la femme, ou par le mari et par le représentant de la femme, aux termes de la loi musulmane, en présence de deux témoins.
    Toutefois, lorsque les distances ne permettront pas de faire les déclarations au siège de la commune ou d’une section française de ladite commune, elles seront reçues par l’adjoint de la section indigène.
    Ces déclarations seront faites en arabe, suivant des formules imprimées, sur des registres visés pour timbre et parafés par le juge de paix. Ces registres contiendront une souche et un volant reproduisant les mêmes mentions.
    Les actes seront revêtus de la signature de l’adjoint indigène ou de son cachet et de la signature des parties et témoins, si ceux-ci savent écrire ; s’ils déclarent ne pas savoir écrire, mention en sera faite.
  3. Les volants des actes de l’état civil sont détachés de leur souche et adressés, dans les huit jours, à l’officier de l’état civil français, pour être transcrits sur les registres tenus au chef-lieu de la commune.
  4. Il sera statué sur les rectifications à opérer dans les actes de l’état civil, conformément à la loi française.
    Par exception et pendant cinq années à partir de la délivrance des cartes d’identité, ces rectifications seront faites sans frais, à la diligence du procureur de la République.
    Pendant le même délai, les extraits des actes de l’état civil seront délivrés aux indigènes musulmans sur papier libre, avec un droit unique de vingt-cinq centimes 0 f. 25 c.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

  1. Les crimes, délits et contraventions en matière d’état civil sont punis conformément à la loi française.
  2. La fabrication, la falsification d’une carte ou l’usage d’une carte d’identité fausse est réprimé conformément aux articles 153 et 154 du Code pénal, sous réserve de l’application de l’article 463 du même code.
  3. Un règlement d’administration publique déterminera les conditions d’exécution de la présente loi, qui sera immédiatement appliquée à toute la région du Tell algérien, tel qu’il est délimité au plan annexé au décret du 20 février 1873 star les circonscriptions cantonales.
    En dehors du Tell, des arrêtés du gouverneur général détermineront successivement les territoires où elle deviendra exécutoire.
  4. Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi.
    La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’État.

Fait à Paris, le 23 Mars 1882. Signé Jules GRÉVY
Le ministre de la Justice et des Cultes, Signé Gustave HUMBERT

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