Tribune libre

La présidente du MAK répond au Figaro magazine

Réponse à Monsieur Brézet, directeur de rédaction du Figaro magazine

J’ai lu avec beaucoup d’attention votre édito du 5 mars dans le Figaro magazine. J’ai noté une bonne dose de lucidité dans votre analyse. Je vous rejoins complètement quand vous suggérez  » d’agir plus et de parler moins « . Il serait temps (voire trop tard) pour l’Europe en général et la France en particulier d’agir. J’ai été cependant choquée par la dernière phrase de votre article. Je vous cite : « agir, aussi, pour indiquer un chemin à ces peuples qui, de l’autre côté de la Méditerranée, cherchent à tâtons les voies d’un islam enfin compatible avec la démocratie. »

Dois-je vous rappeler qu’il existe de l’autre de la Méditerranée un peuple qui a su depuis des siècles allier l’islam et la démocratie ? Savez-vous qu’il existe un peuple qui vit à 1 h d’avion de Marseille qui crie haut et fort depuis des décennies ce que vous nous suggérez aujourd’hui ? Ce peuple est le peuple kabyle.

Les évènements d’avril 1980 en Kabylie (le printemps kabyle), l’assassinat du chanteur Matoub Lounes en juin 1998, le massacre de 128 jeunes kabyles par l’armée algérienne en avril 2001 (le printemps noir) pour ne citer que ces tragédies vous prouveront qu’il existe de l’autre côté de la Méditerranée un peuple qui n’a pas besoin que l’Europe lui montre le chemin de la démocratie.

La démocratie est l’essence même des bases sociales de ce peuple pour qui la religion reste une question de la sphère privée et qui ne s’invite pas dans les débats. Le professeur Joseph Dugas qui a vécu en Kabylie dans les années 1880 l’avait bien compris et l’a écrit dans son livre « la Kabylie et le peuple kabyle » paru en 1877. Voici ce qu’il disait : « Même chez le Kabyle, plus fou d’indépendance que de religion, la fibre nationale a toujours et moins sensible que chez l’arabe aux excitations du fanatisme », il disait aussi « pour le peuple kabyle, le droit divin vient après la souveraineté populaire, et le citoyen avant le croyant ».

Depuis 2001, un mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) et depuis juin 2010, un gouvernement provisoire kabyle (GPK) existent mais personne en Europe et encore moins en France n’y prête attention. Dans les années 90, l’Occident a été sourd aux appels du commandant Massoud qui avertissait du pire. Il a fallu le 11/09/2001 pour le croire. Aujourd’hui, l’Europe et la France au premier plan récidivent et n’ont point retenu la leçon. Faut-il attendre qu’il soit trop tard pour voir que la Kabylie possède les clefs de la sauvegarde des droits à la liberté et de démocratie de toute la région Méditerranéenne ?

Je ne saurais donc vous recommander à plus de prudence, monsieur Brézet lorsque vous parlez de ces peuples de l’autre côté de la Méditerranée. Le peuple kabyle fort de 10 millions d’âmes est conscient plus que quiconque du danger, car il le subit chaque jour dans l’indifférence totale. Il agit et se bat déjà depuis des décennies et si seulement l’Europe et la France lui tendaient la main aujourd’hui, cela éviterait sans doute qu’un jour l’on dise : « Ah ! si nous avions écouté les Kabyles… »

Amgoud Djamila présidente du MAK France

Par : Mak-France

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