Interview

Lvachir Vuchlaghem réveille la chanson kabyle

Karim Loualiche, metteur en scène, réalisateur mais également chanteur connu sous le pseudonyme de Lvachir Vouchalghem. Après un DES en sciences physiques obtenu à l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, le jeune homme est allé poursuivre ses études en France où il a obtenu un doctorat en physique nucléaire. L’enfant prodige d’Agouni fourrou de lɛarc Nat Sedqa (du côté d’At Wasif) est décédé à Toulouse le 21 novembre 2011, à l’âge de 36 ans.

Il a une voix chaude et agréable, ses musiques sont superbes. Lvachir a réveillé la chanson kabyle. Enfin un Kabyle qui chante des chansons grivoises.

Interview de LVACHIR réalisée par notre envoyé spécial VURURU.

VURURU : Les gens t’ont découvert sur ta page myspace.com, comment l’idée t’est venue ?

LVACHIR : Je ne jouais qu’avec des copains sous des oliviers, on était 8 au départ, trois se sont mis à faire la prière (ils vont à la mosquée) et donc ont quitté le groupe, j’ai été très déçu et suite à cela je me suis décidé à agir. À la fin de mes études, j’ai pu trouver un emploi au black dans un cybercafé près du village et donc j’ai monté mon petit studio à la cabane (a3ciw) et j’ai mis en ligne 2 chansons pour le moment. Mais je compte continuer à publier mes conneries.

VURURU : Comment comptes-tu te faire accepter par les gens ici ? Je veux dire, vu le recours abusif aux gros mots ?

LVACHIR : Je me trouve très conséquent dans ma démarche. Quand j’ai affaire à des chauvins berbéristes, je leur explique que si l’on n’utilise pas ces mots, on va les perdre dans une génération, et imaginez dans 20 ans quand abbuc (bite), taxna (anus)…etc. auront disparu, un Kabyle pour se faire comprendre devra-t-il montrer sa bite ? c’est ça que vous voulez ? De ce point de vue, je rends service à ma langue. En revanche de manière générale, je trouve la vie en Algérie plus obscène que mes textes. Les Algériens ont assisté à des massacres terrifiants et ils ne semblent pas choqués pour autant. Et si je les choque en utilisant, des mots que, soit dit en passant, je n’ai pas inventés, c’est qu’ils sont cons. C’est tout. Moi, je suis ahuri par l’ambiance : la religiosité galopante, les discours de Boutef qui me font dégueuler et la gueule de Zerhouni (ministre de l’Intérieur, accusé par certains de les avoir torturé) me terrifie carrément.

VURURU : Te connaissant, je sais que tu es très déçu par ce qui se passe, mais tu préfères rester ici, dans ton patelin, pourquoi ?

LVACHIR : Beaucoup de mes amis, se sont installés en France, mais en fait ils ont juste fui l’Algérie ; peu importe où ils allaient. J’ai un ami musicien (bassiste) du village qui est au Mali depuis 2 ans ; on l’appelait l’Africain, avant qu’il ne parte. Il m’a envoyé ses dernières compositions, c’est de la bombe ! Il s’est marié là-bas et enseigne les mathématiques au primaire. C’est sans doute l’expérience la plus enviable. L’Afrique ayant perdu son Nord depuis longtemps. Les Algériens sont Arabe, Berbères, musulmans ; Maghrébins, mais jamais ils ne se diront Africains. C’est un reniement majeur. Ça me dégoûte !

VURURU : J’ai toujours été épaté par ta démarche, mais n’as-tu pas peur… la morale est très forte en Kabylie ?

LVACHIR : En Kabylie les gens sont, individuellement pris, très sympathiques.

Je ressens même du soutien, jamais de peur. C’est dans la foule que l’on détecte toutes les crasses traditionalistes. Et puis il y a une tradition de lutte très intéressante, beaucoup de gens sont des putains d’anarchistes qui s’ignorent. L’espoir est là. Tu sais, prends-moi pour un fou si tu veux, mais moi j’ai l’impression d’intercepter, de comprendre des échanges de discussions entre les montagnes : le Djurdjura, les Aurès, le Hoggar. J’ai comme l’impression que quelque chose se trame. Et que bientôt un soulèvement irrépressible verra la triste fin de tous ces fils de putes qui nous confisquent nos vies. Une bande de salauds ne peut infiniment nous berner, c’est une houkouma n ac3ir.

VURURU : Mais il y a un retour flagrant à la religion… il y a même paraît-il des reconversions massives au protestantisme ?

LVACHIR : D’abord faut arrêter de donner de la voix à la propagande intégriste de l’État Algérien. Qui n’a pas entendu des « barbus » faire l’éloge de Cat Stevens et autre Mohamed Ali parce qu’ils se sont convertis à l’islam. Le jeu a commencé là. Ces mêmes connards se plaignent dès qu’il y a un Mohand Ameziane qui se déclare chrétien. Dans tout le village il y a deux gars qui se réclament chrétiens. Ils ont le droit ce n’est pas plus grave que d’être musulman. Mais si tu veux mon avis, ces nouveaux convertis, je les compare à ces Occidentaux clients addicts et assidus de Mc donalds ; après avoir vu Supersize me (le film) ils sont devenus des clients tout aussi assidus du Quick. Je veux dire par là que l’Islam a mauvaise presse aujourd’hui et cela pousse les gens à aller voir ailleurs. Pour moi l’unique ligne de démarcation est entre religieux et non religieux pas entre musulmans et chrétiens… Ce sont juste deux marques différentes d’une même multi-nationale !

VURURU : Toi, donc dans tout ça, tu te places où ?

LVACHIR : « La religion, opium des peuples » n’a jamais pris autant de sens qu’aujourd’hui chez nous. On vit tous sous des régimes oppresseurs dictateurs corrompus, infâmes et les peuples s’en accommodent très bien… Il a suffi qu’un illustrateur danois caricature Mahomet pour qu’on assiste à des manifestations de rue impressionnantes ! J’ai comme l’impression que les gens trouvent dans la religion ce que moi je trouve au cannabis. Cela dit je pense que mon choix est meilleur.

VURURU : Comment arrives-tu à concilier tes convictions libertaires avec le fait de te définir comme Algérien ?

LVACHIR : Algérien n’est qu’un abus de langage ; l’État algérien, le peuple algérien ne sont que des escroqueries, des fumisteries. Comme partout ailleurs, on a besoin d’inventer des concepts sanguins, de façon à mieux baiser les peuples en question. Je te donne un exemple : les gens ont pris les armes contre les coloniaux Français, c’est à dire contre l’injustice. Aujourd’hui, on dit qu’ils sont morts pour l’Algérie, c’est un mensonge ! Ils sont morts en luttant contre l’injustice de l’occupation, la nuance est grande. La dimension nationaliste de la guerre d’indépendance n’est qu’une récupération. La seule raison qui vaille qu’on prenne les armes, c’est la liberté. Voilà tout !

VURURU : Tu es anarchiste ?

LVACHIR : Disons, que je me place de façon à avoir les communistes à mon extrême droite.

VURURU : Ok, pourtant ça continue, encore aujourd’hui, certains parlent de récupération nationaliste en Kabylie et ailleurs ?

LVACHIR : Je suppose que tu parles de ce groupuscule d’hyper activistes kabylistes décérébrés qu’on ne rencontre jamais dans les rues, mais sur qui l’on tombe inévitablement dès que l’on tape Kabyle sur Google ! Ceux-là sont les pires. Alors même que de par l’histoire des luttes en Kabylie il n’y a eu que des mouvements de gauche voire d’extrême gauche, on assiste aujourd’hui aux gesticulations visant à l’ethnicisation des combats menés par les humbles gens qui nous entourent. Comme les leaders kabyles dont tout le glorieux passé sur lequel ils s’appuient s’est construit du temps où ils se réclamaient du communisme ; et qui maintenant nous sortent la vieille rengaine poussiéreuse et puante de : « qui n’est pas communiste à 20 ans n’a pas de couilles et qui l’est à 40 n’a pas de tête… ».

VURURU : Tu parles de … ?

LVACHIR : Entre autres… Je veux dire que quand on a réalisé ses hauts faits d’armes en étant communiste, on ne peut pas venir aujourd’hui s’excuser de s’être trompé d’idéologie sans renier précisément ses hauts faits d’armes. Ces gens-là n’ont de respectable que leur passé. Quant à leur avenir…

VURURU : Le paysage est fourni, tu les mets tous dans le même sac ?

LVACHIR : Non. Mais disons que c’est un mouvement d’ensemble de reniement et là-dessus peuvent se greffer des météorites qu’on n’a jamais connues…

VURURU : N’est-ce pas là un symptôme de la peur qu’auraient les Kabyles de voir disparaître leurs langue et culture ?

LVACHIR : La disparition, en elle-même ne m’effraie pas plus que ça dans la mesure où elle est naturelle et fait partie de la vie ; dois-je te rappeler que les dinosaures ont disparus … En revanche si celle-ci résulte d’un dessein germé dans les têtes de coprophages comme Boutef et Zerhouni, c’est inacceptable. Je te promets que le jour où la vie de ces vieux cloportes prendra fin, je ferai la fête sous mon olivier, en poussant des chants kabyles, ancestraux, jusqu’au bout de la nuit… Tamazight leur survivra, alors même qu’ils auront consumé leur vie à tenter de l’éradiquer !

VURURU : En fait rien de neuf, tu dis qu’il y a des cons, jeunes, vieux, ici, ailleurs…

LVACHIR : Tout à fait ! Comme je dis souvent, s’il y a une « richesse » bien répartie à travers le monde, c’est bien la connerie. Et tant qu’on n’a pas créé le pays des cons, disons « Connard-Land » où vivraient tous les cons et nationalistes du monde, nous sommes obligés de les côtoyer. Regarde c’est bien connu, les pays se font se défont, enfin, on les fait et les défait : L’Ex-URSS, l’Allemagne de l’est, l’Ex-Yougoslavie… Bon c’est vrai que ceux-là ont disparu, mais d’autres sont nés… Israël, par exemple ; alors si on continu à fabriquer des pays pourquoi ne pas en faire un pour les cons ?

VURURU : T’as quelque chose contre ces pays ?

LVACHIR : Non, je dis juste que les pays sont des fabrications par des élites, alors un pays de cons, où se côtoieraient les racistes, les chauvins c’est faisable, non ?

VURURU : As-tu une idée quant à l’emplacement géographique de connard-Land ?

LVACHIR : Je propose que ce soit près du Texas ; cela évitera à Bush de faire un long voyage, même si je serai bien tenté pour que celui des clébards qui nous gouvernent ne soit pas trop long non plus…

VURURU : Revenons aux choses sérieuses. Le sexe en Kabylie ?

LVACHIR : La masturbation est le sport national N°1, on s’en donne à cœur joie. Sexuellement parlant tout le monde connaît la tragédie de l’âne chez les Kabyles ; il est castré, passe toute sa vie à transporter des briques sans rencontrer d’ânesse. Je ne transporte pas encore de briques sur le dos, je n’ai pas été castré, ce sont mes consolations…

VURURU : Parlons cash, à quand remonte ton dernier rapport sexuel ?

LVACHIR : Depuis la guerre des six jours !

VURURU : C’est bizarre, tu n’as pas utilisé beaucoup de gros mots, ta marque de fabrique ?!

LVACHIR : Oui, c’est vrai que ce n’est pas la seule culture dont je dispose. Toujours est-il que le comble de la subversion, en tout cas pour moi, ça reste d’utiliser des mots interdits dans une langue toute aussi interdite.

VURURU : Pourquoi tardes-tu à mettre ta nouvelle chanson en ligne ?

LVACHIR : Bientôt, mais d’abord, j’assure mes arrières j’attends la réponse du consulat Vénézuélien. J’ai déposé un dossier, je vais émigrer chez mon pote Chavez… Mes prochains gros mots seront politiques !

VURURU : Tes chansons, notamment, l’imam… est utilisée sur le net de manière assez dénaturante, où PD devient une insulte… etc.

LVACHIR : La chanson relate une vraie histoire, l’imam n’a rien à voir avec la mouvance intégriste. Il était génial et cette chanson se voulait un hommage. Mais je ne suis pas responsable de l’utilisation éhontée de mes chansons.

VURURU : A bientôt a LVACHIR

LVACHIR : Ruh at fked a Vururu !!

Précédemment mis en ligne le 03 Jan 2007

Karim Loualiche alias Lvachir Vuchlaghem 15 octobre 2009

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