Le Vrai du Faux
Un film de Armel Hostiou (1h 22mn)
En partant au Congo à la recherche de son double, Armel Hostiou nous offre un film hilarant où l’absurde se conjugue avec la tendresse
« Un jour, un ami m’a signalé que j’avais deux profils Facebook ! Intrigué, je découvre sur le réseau ce faux profil à mon nom, avec des vraies photos de moi, un faux CV… Ce double avait plein d’amies, mais que des femmes, habitant toutes à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. En regardant de plus près, je découvre qu’il publie régulièrement des messages annonçant des castings pour des films que je suis censé tourner au Congo, des castings auxquels il convie toutes ses/mes amies ! »
Ce qui commençait comme un véritable cauchemar devient en fait le point de départ d’un film absolument rocambolesque de Armel Hostiou. En effet, sa première réaction est de contacter Facebook pour faire clôturer son faux compte. Quelle n’est pas sa surprise de recevoir une réponse négative, sous le prétexte que le faux compte a été vérifié et… qu’il est vrai ! Comble d’ironie : Facebook propose au piraté de devenir ami avec le pirate !
Pas d’autre alternative pour le réalisateur que de se rendre lui-même au Congo retrouver le vrai « faux profil » pour clôturer le faux compte. Impossible en effet de faire appel à la police car le coupable serait torturé avec des peaux rugueuses d’hippopotame ! Pour sortir de tous ces quiproquos, il faudra bien passer par une cérémonie d’égorgement d’un coq, s’il ne veut pas mourir dans un accident d’avion !
« Je ne connaissais ni ce pays ni cette région, déclare le réalisateur, mais j’avais l’intuition que cette enquête pouvait être d’autant plus palpitante que je n’avais aucune idée de jusqu’où elle pouvait me mener, comme dans un thriller »
Ce film, structuré comme une enquête, donne la part belle à “l’autre” en lui permettant d’expliquer sa démarche. Sans parti-pris, sans jugement hâtif, l’enquête permet en effet de confronter deux points de vue, escroc et escroqué avec la plus grande objectivité, provoquant ainsi des situations aussi absurdes que hilarantes. Voici donc notre piraté devenir assistant du pirate qui organise un immense casting payant bien entendu. Les actrices se ruent sur cette aubaine et acceptent d’être rackettées dans l’espoir de décrocher un rôle.
« J’avais en tête avant de partir Close Up le très beau film d’Abbas Kiarostami, qui traite également d’une histoire d’usurpation d’identité ou des thrillers étranges comme Profession : Reporter d’Antonioni ou Zodiac de David Fincher. »
Sans vouloir gâcher le plaisir de la découverte, sachons simplement que ce documentaire nous embarque dans une véritable aventure où le vrai et le faux se rencontrent, s’entrechoquent, et alternent leurs rôles réciproques pour notre plus grand plaisir.
« La quête de mon double est à la fois le point de départ du film mais aussi l’occasion en effet de découvrir plein d’autres aspects de ce pays et de sa capitale, Kinshasa. »

Kinshasa est une immense ville, réputée comme une des villes les plus dangereuses du monde.
Le réalisateur a trouvé aide et soutien dans une résidence d’artiste “La vie est belle” dans un quartier pauvre, où il vaut mieux être bien escorté.
Cette recherche du double est le prétexte pour s’embarquer dans un vrai questionnement autour du thème du double, déjà exploré par Dostoïevski en littérature, ou par d’autres cinéastes dans une démarche totalement originale qui mêle la réflexion politico-sociale entre colonisés et colonisateur, la découverte musicale et artistique des bas-fonds de Kinshasa, l’absurde, l’humour et cerise sur le gâteau, un surplus de poésie pleine de saveur.
Catherine Belkhodja