Tribune libre

Mapuches du Chili

Les Mapuches sont en voie de disparition, comme le sont les Kabyles. Nous soutenons la cause mapuche en publiant ce texte. Texte à diffuser au maximum afin de dénoncer les exactions de l’État chilien sur les Indiens.

Après l’incendie meurtrier de Vilcún dans le territoire mapuche de la région de l’Araucanie, sud du Chili.

Déclaration publique de chercheurs autochtones mapuches face à des déclarations extrémistes de certaines personnalités officielles.

Une attaque incendiaire s’est produite au matin du vendredi 4 janvier dans le village de Vilcún, à 25 kilomètres de la capitale de la région de La Araucanía dans la maison du grand propriétaire terrien Werner Luchsinger provoquant sa mort ainsi que celle de son épouse Vivianne McKay. La police arrête immédiatement un Mapuche puis son frère puis un troisième suspect. Le gouvernement et la presse se déchaînent contre les Mapuches exigeant la mise de la région en État de siège et l’application de lois anti-terroristes. Les circonstances du drame ne sont pas encore éclaircies mais les déclarations extrémistes de certaines personnalités officielles provoquent l’inquiétude de diverses associations.

Déclaration des chercheurs autochtones mapuches :

« Suite aux récents événements (la mort d’un couple d’agriculteurs et l’accusation aux personnes mapuches comme étant à l’origine de cet acte) dans le territoire mapuche de Vilcún (Région de l’Araucanie, Sud du Chili) les chercheurs mapuches signataires de ce document déclarent les éléments suivants :

Nous considérons que les morts dans un conflit sont toujours regrettables. Ces morts augmentent l’intensité de la violence, légitiment cette dernière de la part des autorités politiques, et contribuent à la radicalisation et polarisation des positions politiques et idéologiques menant ainsi à des actions irrationnelles.

Nous exprimons notre inquiétude concernant les opinions et jugements exprimés par le gouvernement, les politiques, les corporations d’entrepreneurs et les citoyens communs qui traduisent l’expression d’un racisme cherchant à justifier l’application de législations qui ne respectent pas les droits de l’homme et légitiment la violence policière ou paramilitaire contre les Mapuches. L’entente entre les secteurs de l’entreprise, les grands propriétaires terriens et le gouvernement pour résoudre le conflit par la répression, n’est que la continuité de la violence historique qui a commencé depuis l’imposition de l’État colonial chilien dans notre territoire mapuche.

Nous observons une similitude entre les discours actuels sur les mapuches et les discours datant de l’époque de l’invasion militaire du territoire au XIXe siècle, qui signalent que les mapuche sont un « problème pour le progrès », une « horde de barbares » et une « race inférieure ». Cependant de nos jours ce discours est empreint du multiculturalisme néolibéral qui met en avant une image de « bons » et « mauvais » Mapuches selon les critères qui conviennent à chaque conception.

L’intensité du racisme manifesté ces derniers jours nous oblige à nous préoccuper pour la sécurité des “peñi” (frères) et “lamgnen” (sœurs) Mapuches dans le pays. Nous sommes particulièrement inquiets pour la sécurité des femmes, des enfants et des personnes âgées appartenant aux communautés en processus de récupération et de défense territoriale et qui peuvent être agressés par la police ou les paramilitaires. Nous ne voulons pas que cette situation soit la justification pour l’État chilien d’ajouter de nouvelles victimes mapuches à ce long conflit. Ainsi, nous lançons un appel pour éviter que ce genre de situation se produise.

Face à la situation actuelle, la société chilienne doit manifester pour la vie de toutes les personnes, en condamnant le racisme qu’il vienne de l’État, des entreprises, des grands propriétaires terriens et des paramilitaires. Il est nécessaire d’inviter les politiques et le gouvernement à se prononcer avec responsabilité, à contribuer à construire la paix et à montrer une volonté politique de créer des espaces de dialogue.

Notre devoir, en tant que Mapuches, est de nous faire entendre à travers des opinions et des propositions pour aider à surmonter cette crise et de ne pas l’aggraver. Nous ne voulons plus de victimes, ni mapuches, ni chiliennes. Nous voulons de la justice dans son sens le plus large. Nous sommes pour la justice sociale, une société juste, qui permette à chacun de se développer dans leur propre culture. Nous avons besoin de mécanismes politiques où les Mapuche puissent exercer leurs droits fondamentaux en tant que peuples, dans le respect de leurs droits et de leurs territoires.

Nous considérons que le pouvoir judiciaire doit exercer la justice et ne pas faire de revanchisme ou appliquer des peines disproportionnées. Nous voulons que ces faits soient éclaircis, mais aussi une compréhension d’une période historique plus ancienne où existaient ces contradictions et les conflits présents. La violence n’a jamais a été un phénomène gratuit, la violence est et a été le bras articulé des relations coloniales qui dominent et lient le peuple mapuche à l’État.

Nous approuvons toutes les manifestations qui cherchent à en finir avec les racismes, dans le seul sens où la solidarité et le respect entre les peuples permettent la rencontre des êtres humains. »

Signataires :

Héctor Nahuelpán Moreno, Historien, étudiant en doctorat « anthropologie sociale ». CIESAS, Mexique.
Fernando Pairacan, Historien, étudiant en Master « histoire de l’Amérique latine », Universidad de Santiago de Chile.
Susana Huenul Colicoy, Journaliste, Master en anthropologie sociale.
Sergio Caniuqueo Huircapan, Historien, étudiant en Master en « études Latino-américaines », Universidad de Chile.
Enrique Antileo Baeza, Anthropologue, étudiant en Master « étudeslatino-américaines », Universidad de Chile.
Felipe Curivil Bravo, Historien et professeur d’histoire.
José Ancan Jara, Master en Anthropologie UAB, étudiant en doctorat « études latino-américaines », Universidad de Chile.
Pedro Cayuqueo, Journaliste, directeur des Journaux Azkintuwe et Mapuche Times.
Maribel Mora Curriao, Poète, étudiante en doctorat « études américaines », Universidad de Santiago de Chile.
Sigrid Huenchuñir, Psychologue, Master en « politiques publiques ».
Felipe Curin Gutierrez, Sociologue.
Luis Carcamo-Huechante, Professeur associé, Université de Texas en Austin. EE.UU.
Fresia Curihual Garrido, Journaliste, Licence en communication sociale.
Cesar Chávez Avello, Musicien, Ingénieur en développement de sites web.
Karla Palma Millanao, Journaliste, étudiant en doctorat « communication », Université de Illinois, EE.UU.
Luis Bertoglia Huenchullan, Psychologue, chercheur dans la Consultora Asesorías para el Desarrollo.
Paula Alonqueo Boudon, Psycholoque, Docteure en Psychologie.
José Marimán Quemenado, Docteur en sciences politiques.
Herson Huinca-Piutrin, Historien, Master en sciences sociales de l’Ecole Normale Supérieure ENS. France.
Claudio Alvarado Lincopi. Licence en histoire.
Julio Marileo Calfuqueo, étudiant en Master « éducation mention curriculum et communauté éducative », Universidad de Chile.
Ninete Sepulveda Alecoi, Assistante de service social, Master en « études sociales et politiques latino-américaines », Universidad de Chile.
Carlos Contreras Painemal, Anthropologue, Université Libre de Berlin (Allemagne) et Université de Lodz (Pologne).
Andrés Cuyul Soto, Master en Santé Publique et étudiant en doctorat « santé collective ».
Gabriela Curinao, Assistante de service social, Universidad Humanismo Cristiano.
Marjorie Huaiquil Hernández, Professeure d’histoire-géographie.
Rodrigo Levil, Sociologue.
Sergio Millamán, Membre du Groupe Editorial Mapuexpress.
Pablo Millalen Lepin. Assistant de service social, étudiant en Master « gestion et politiques publiques ».
Carlos Aguilera Nahuelpi, Ingénieur commercial, étudiant en Master « gestion et politiques publiques ».

Article précédemment publié le 2 février 2013

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