Politique

Pause de l’arabisation en 1977

Mostefa Lacheraf et la pause de l’arabisation

En avril 1977, à l’occasion d’un remaniement ministériel, Mostefa Lacheraf est nommé ministre de l’Éducation, et Abdellatif Rahal ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ces nominations marquent une véritable pause de l’arabisation. Les raisons qui poussèrent Boumediene à ce revirement ne furent pas explicitées. Il fut sans doute sensible aux tensions provoquées à propos de la révolution agraire et de l’arabisation, et désireux de faire prévaloir l’aspect progressiste de son action. Il semble par ailleurs que des rapports inquiétants sur la situation de l’enseignement lui soient parvenus. Il est sans doute informé de la gravité de la maladie qui l’emportera fin 1978, et désireux de consolider son œuvre.

À peine installé au ministère, Lacheraf limoge Mehri et toute son équipe de hauts fonctionnaires. Ils iront se réfugier au parti du FLN où ils constitueront un groupe de pression redoutable. Il se défait des professeurs irakiens que Mehri avait en réserve pour arabiser l’enseignement supérieur. Il reprend la formation d’enseignants bilingues et rétablit une section « lettres bilingues » alors que toutes les séries littéraires avaient été arabisées. De son côté, Rahal insiste à plusieurs reprises sur les inconvénients que présente une arabisation de l’enseignement supérieur, dans un pays où l’emploi est fortement lié à la langue française, et anglaise éventuellement.

Cette pause sera de courte durée. Mostefa Lacheraf se livre à des polémiques dans la presse[1] ; il se heurte aux intrigues du clan arabisant fort puissant dans l’Éducation nationale et représenté au conseil des ministres par Taleb Ibrahimi. Celui-ci se verra rappeler par Lacheraf que, étant à sa place, il avait, dans l’un des conseils des ministres des années 60, dit à propos de l’arabisation : « Cela ne marchera pas, mais il faut la faire ! » Malade, Boumediene n’aura plus l’énergie de le soutenir, et sa mort, intervenant le 27 décembre 1978, met un terme à cette pause de l’arabisation.

À suivre
Grandguillaume Gilbert, enseignant honoraire à l’EHESS. Ancien responsable de la coopération culturelle à l’ambassade de France à Alger.

[1] « Les problèmes de l’enseignement et de l’éducation » : série d’articles de Mostefa Lacheraf dans El-Moudjahid des 9,10 et 11 août 1977, et réponse d’Abdallah Cheriet, « Est-ce un problème d’enseignement ou de formation humaine ? », dans Al-Chaab du 5 septembre 1977.

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