Chronique

Se lever du bon hémisphère

Je suis trilingue et je sais qu’il y a beaucoup de Kabyles trilingues parmi nous, ils sont nombreux ceux qui utilisent le kabyle, l’arabe et le français surtout au pays. D’autres, comme moi utilisent le kabyle, l’anglais, le français et il faut ajouter l’allemand à une autre catégorie de trilingues kabyles. Une richesse inestimable et un atout majeur de la société kabyle : cette faculté d’apprendre les langues étrangères.

Par exemple, si je me lève le matin et que je pense en anglais : je cherche toujours quelque chose à faire. Trop de choses et pas assez de temps. Je suis physiquement plus créatif dans mon environnement et plus entreprenant dans les travaux de la maison et du jardin. Une sorte de : « Has to be done ! » attitude.

Quand je me lève en pensant en kabyle. L’urgence est de trouver une raison pour ne rien faire. Toutes les excuses sont bonnes. Si le soleil se lève à l’Est « nebla rebbi ma kreghtt ! » et cela marche à chaque coup. La seule créativité dont on est alors capable, c’est peindre la hargne en syllabes. Toutes les pensées en kabyle se font en grattant ses testicules, le regard hagard et soudain ; les feux de la colère enflamment un cœur déjà combustible, heureusement qu’il y a l’impuissance physique et l’impotence verbale pour les éteindre. En kabyle, on pense toujours plus pour vraiment faire le moins. En réalité, quand on pense en kabyle, on a besoin d’ordres extérieurs pour faire quoi que ce soit.

Par contre, quand je me lève en pensant en français, la première chose que je fais, c’est de me faire un café et voir ce que je pourrais bien me faire à… manger. Ma relation avec mon frigidaire s’améliore, on se tient debout main dans la main, des caresses furtives des doigts et une main ancrée sur l’estomac. Qu’est-ce que je pourrai bien faire sans trop me fatiguer ?

Je voudrais un jour me lever en pensant en arabe, mais je sais que c’est peine perdue.

Hmimi O’Vrahem, 1er septembre 2021

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