Biographie

Guy Bedos est décédé

L’humoriste et acteur, Guy Bedos, est décédé ce jeudi 28 mai à l’âge de 85 ans. Sa disparition a été annoncée sur les réseaux sociaux par son fils, Nicolas Bedos.

Il tirait à boulets rouges sur les politiques, surtout ceux de droite. Portrait d’un artiste pudique qui a caché ses plaies sous ses coups de gueule.

Jusqu’au bout, il n’a jamais rien lâché : ses répliques et ses piques faisaient le bonheur des médias et assuraient le buzz. Il le savait, il s’en amusait, même à plus de 80 ans… L’habit du papy flingueur lui allait comme un gant : tout droit sorti d’un film de Michel Audiard, Guy Bedos distribuait des baffes à ses cibles favorites, les racistes, les obtus, les fanatiques, les caciques de la droite avec une préférence pour la famille Le Pen. Il revendiquait haut et fort son étiquette de gauche en disant que sa famille ne lui avait pas laissé le choix. « Je suis né ainsi, racontait-il un jour dans L’Express. Et je reviens de loin. J’ai grandi auprès d’un couple dont l’homme, mon beau-père, était d’extrême droite. Quant à ma mère, en 1981, elle se promenait encore avec une photo du maréchal Pétain… »

Une enfance au soleil, à Alger, qui restera pour toujours son pays de cœur, en opposition farouche avec des adultes qu’il vomit. Une scène le marque : un jour, son beau-père, chef d’entreprise, fait le tour des machines. Un Maghrébin se coupe des doigts, et, au lieu de compatir, le voilà qu’il hurle sur son ouvrier en le traitant de bon à rien : « Tu as tout salopé avec ton sang, nettoie ! »

Cette brute frappe également sa femme, qui se venge en tapant à son tour sur son fils « avec des objets lourds », racontera plus tard Guy Bedos. Hildeberte Verdier, mère despotique qu’il hait et aime à la fois. « J’ai adoré cette femme qui était tout ce que je déteste en tant qu’être humain, confiait-il un jour à l’animatrice Mireille Dumas. Elle était raciste, antisémite… Elle a dit devant moi : Des juifs et des Arabes qui s’entretuent, ça fera toujours ça de moins… » Une violence physique et psychologique qui feront de lui un « antiraciste obsessionnel ». « Je me suis construit à l’inverse de ce que j’ai subi », résumait-il.

La scène comme remède

En 1950, la famille rentre sur Paris, il suit dans les bagages et déprime sévèrement. Un médecin lui conseille le théâtre, pour lui une révélation, pour sa mère un métier sans avenir… Il intègre l’école de la rue Blanche et tente, sans succès, d’entrer au Conservatoire d’art dramatique. À défaut de diplôme, il se fait des copains, parmi lesquels Jean-Paul Belmondo qui reconnaît vite en Guy un partenaire de rigolade. Bedos a seulement 17 ans quand il suit Bebel dans une tournée improbable dans les Pyrénées, à jouer dans des campings et des salles miteuses. C’est le temps de la bohême, des premiers cachets, des premiers flirts… Il crèche un temps chez une copine sans le sou, dans le bidonville de Pontault-Combault, et tire le diable par la queue – ses parents ont fini par lui couper les vivres. Pour ne rien arranger, la guerre d’Algérie éclate, l’armée se rappelle à lui : il entame une grève de la faim et parvient à se faire réformer pour maladie mentale. « Pour ne pas aller tirer sur les copains d’enfance », expliquera-t-il plus tard.

Il cherche à percer comme les autres, en courant les essais et les places dans les cabarets, et fait ses premiers sketches à La Fontaine des Quatre-Saisons, où il croise Boris Vian, Maurice Béjart ou Jacques Prévert qui l’encourage à écrire ses textes. Le jeune Bedos écume alors les petites salles où Belmondo et Marielle viennent faire la claque. En 1963, un producteur a la bonne idée de regrouper ses meilleurs sketches dans le film Dragées au Poivre, qui se taille un joli succès. Le voilà lancé… L’histrion tient l’affiche à Bobino avec Barbara puis enchaîne en duo avec sa compagne du moment, Sophie Daumier, dans des saynètes qui font se gondoler la France, comme « La drague » ou « Les vacances à Marrakech », où il pastiche un Français moyen lourdingue et raciste. Entre Fernand Reynaud et Raymond Devos, Bedos impose son ton dans le one-man-show français.

Gauche caviar

Il n’oublie pas pour autant le théâtre ou le cinéma, notamment dans le sillage d’Yves Robert qui lui trouve des rôles sur mesure dans Un éléphant ça trompe énormément ou Nous irons tous au paradis.

C’est l’époque où il s’engage sur le terrain politique et s’attaque au président Giscard sans sommation, avant de passer à Jacques Chirac. Il s’en donne à cœur joie, tire à boulets rouges, le pouvoir grince, son public en redemande, tandis que la droite en fait l’incarnation parfaite de la « gauche caviar ».

Avec Mitterrand, les rapports seront plus feutrés : Bedos est fasciné par sa culture, il se trouve invité au palais, mais continue à distribuer ses piques. « Ça devient dur d’être de gauche, surtout quand on n’est pas de droite », lance-t-il dès 1983, au moment où le gouvernement choisit une politique de rigueur. « Vous y allez fort quand même », lui glisse parfois le président. Quand on veut lui remettre la Légion d’honneur, il préfère décliner. Et finit définitivement écœuré en apprenant les liens du leader de la gauche avec Vichy et Bousquet.

Le libertaire ne lâche rien, continue à cibler la droite de Sarkozy, son meilleur client, pulvérise régulièrement la famille Le Pen, qui réplique par des procès, crie son ras le bol sur scène dans des revues de presse décapantes, s’engage sur tous les fronts, au côté de Droit au logement, de la Ligue des droits de l’homme, milite pour le droit de mourir dans la dignité, soutient l’innocence d’Yvan Colonna, manifeste encore en faveur des migrants de Calais à 80 ans… Toujours debout, toujours insoumis.

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