Philosophie

Il n’y a pas de leçon de l’histoire

Sans doute les situations changent-t-elles et les schèmes d’explication que l’on utilise pour interpréter telle épisode du passé ne sont plus valables de nos jours ; la nature humaine ne reste pas immuable, elle se transforme sous l’influence de l’expérience acquise, si bien que nous trouvons parfois en face de mentalités étrangères aux nôtres.

On dit aux gouvernants, aux hommes d’État, aux peuples de s’instruire principalement par l’expérience de l’histoire. Mais ce qu’enseignent l’expérience et l’histoire, c’est que peuples et gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire et n’ont jamais agi suivant des maximes qu’on en aurait pu retirer. Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, constitue une situation si individuelle que dans cette situation on ne peut et on ne doit décider que par elle. Dans ce tumulte des événements du monde, une maxime générale ne sert pas plus que le souvenir de situations analogues qui ont pu se produire dans le passé, car une chose comme un pâle souvenir, est sans force dans la tempête qui souffle sur le présent ; il n’a aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l’actualité. À ce point de vue, rien n’est plus fade que de s’en référer aux exemples grecs et romains, comme c’est arrivé si fréquemment chez les Français à l’époque de la Révolution. Rien de plus différent que la nature de ces peuples et le caractère de notre époque… Seule l’intuition approfondie, libre, compréhensive des situations et le sens profond de l’idée (comme par exemple dans l’Esprit des Lois de Montesquieu) peut donner aux réflexions de la vérité et de l’intérêt.

Hegel, Leçons sur la Philosophie de l’Histoire (1822)

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