Livres

Raymundo de Jean Antonini

La déclaration d’amour d’un père pour son fils disparu.
Jean Antonini évoque dans Raymundo son fils, disparu « Étant enfant, mon père m’a manqué. Étant père, je ne voulais pas manquer à mon fils. Et pourtant, alors qu’il devenait adulte, je n’ai pas su entretenir une relation solide avec lui. Comment construire cette relation père-fils dans une société où les rôles masculins sont en crise ? » 

La question traverse ce livre. L’auteur se plonge dans les souvenirs et souhaite reprendre un dialogue qu’il n’avait pas réussi à préserver autrefois.«Je n’ai pas pu me résoudre à tourner la page ; je voulais m’emplir de lui. »

L’écrivain a vécu à Cuba, où est né son premier fils, puis à Tlemcen où est né son second fils. Son poste de chercheur et d’enseignant offrent à la famille des condition agréables au soleil. Le retour en France s’avère difficile. L’auteur s’implique complètement dans l’éducation de ses fils, mais ne veut pas renoncer à l’écriture qui exige du temps et de la tranquillité. Le couple parental éclate et met en place un protocole de garde alternée qui fonctionne au début mais devient déstabilisant pour les enfants par la suite.
Les deux fils font leur choix de vivre chacun avec l’un des deux parents mais ne se remettent pas complètement de cette séparation. L’ainé a choisi de vivre chez sa mère, et devient un adulte aux revenus plus que confortables.
Le plus jeune, hypersensible, a choisi le père, mais vit très mal l’arrivée d’une petite sœur et la proximité avec la nouvelle compagne de son père. Il se sent incompris, abandonné, et reproche à son père de ne plus s’intéresser à lui. Peu à peu, il s’éloigne et s’installe dans le silence.

Il lui dissimule aussi ses internements en hôpital psychiatrique. Les médecins ont diagnostiqué les premiers signes de schizophrénie. On lui prescrit un traitement aux effets secondaires lourds. Les visites des parents ne sont pas acceptées et les tentatives de thérapie familiale débouchent sur un échec. Le père ignore aussi que son fils a plusieurs fois fait des TS (tentatives de suicide) et ses multiples tentatives de rapprochement sont restées sans réponse.
Lors d’une sortie autorisée, son fils saute d’une fenêtre.

« Les animaux ne se suicident jamais. Le suicide est aussi une ivresse, mais une ivresse de volonté » a écrit Isabelle Eberhard dans son livre Sud oranais note l’auteur en ajoutant « Il est rare qu’on parle positivement du suicide. Je n’ai jamais ressenti ton départ définitif comme une erreur ou un geste pathologique, mais comme un geste réfléchi. »

Plusieurs années après ce drame, le père tente de rétablir un lien avec son fils qui n’est plus. Quand un enfant se suicide, un sentiment de culpabilité ronge malgré tout les parents qui tentent toujours de chercher en eux “la faute”. Ils se demandent quelles erreurs ils ont pu commettre, quelle faille dans leur comportement a pu déclencher un passage à l’acte aussi grave. Le suicide de leur enfant reste un reproche éternel avec lequel il faut malgré tout composer.

Les moindres photos, lettres et souvenirs sont scrutés à la loupe. Que faire de cet amour paternel qui ne peut plus être dit au fils ? Seule l’écriture permet de poursuivre ce chemin du dialogue. Il est un peu trop tard des explications mais pas trop tard pour écrire et faire le point.
L’auteur avoue aussi son immense besoin d’écrire. C’est ce besoin qui a causé l’éclatement du couple et qui pourrait être un peu responsable de ce mal-être de l’adolescent. Le fils ne dissimule pas sa jalousie à propos de la place prise par l’écriture au détriment de moments d’intimité avec son père. L’auteur, un vrai papa-poule pour ses enfants en bas âge, ne savait pas forcément dire « je t’aime » à ses garçons devenus adolescents. Il ne recevait d’eux que de perpétuels reproches. Le silence, l’éloignement se sont peu à peu installés.

Tout en délicatesse, avec la plus grande sincérité, ce très beau texte tente de dénouer les nœuds de cette relation difficile et de retrouver le fil d’un amour perdu.

Par Catherine Belkhodja

Raymundo de Jean Antonini

Édition Unicité
978-2-37355-863-0
Publié le 19/03/2023
Nombre de pages : 130
Format :15 x 21
ISBN : 9782373558630

Jean Antonini a publié plusieurs recueils personnels ou collectifs en prose ou haiku.

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