Tribune libre

Ferhat Mehenni reprend le MAK en main

Réorganisation du MAK

Selon Clausewitz, la politique est la guerre continuée par d’autres moyens. C’est bel et bien à une guerre politique qu’est soumise la Kabylie par le pouvoir algérien qui s’y sent et s’y comporte en ennemi, en étranger et en colonisateur. A deux reprises au moins, cette guerre a débordé le cadre politique pour venir sur le terrain militaire, comme en 1963-65 ou en 2001-2003. Depuis le passage de témoin de l’Etat colonial français à l’Etat colonial algérien, la Kabylie subit les assauts génocidaires d’Alger. La naissance du MAK en 2001 marque une rupture fondamentale dans la vision du peuple kabyle par rapport à lui-même et dans sa posture vis-à-vis de l’Algérie. En procédant par petites touches et en faisant évoluer ses structures et ses objectifs à plusieurs reprises, notre Mouvement a eu de la méthode et de l’efficacité.

Aujourd’hui, le pouvoir algérien est plus que jamais effrayé autant par l’adhésion sans précédent de la Kabylie au mot d’ordre d’indépendance, que par la nouvelle feuille de route de l’Anavad qui consiste à nommer un corps diplomatique, à mettre sur pied un parlement kabyle et à déposer un mémorandum d’autodétermination de la Kabylie auprès de l’ONU.

Des moyens colossaux sont déployés pour réduire le MAK. Le pouvoir pense qu’il finira par y parvenir comme il a eu à le faire auparavant en réussissant à écraser le FFS, à domestiquer le RCD, à évaporer le MCB puis à anéantir le mouvement des Archs. Ces organisations ont toutes incarné à des périodes données le combat de la Kabylie pour son émancipation. En prévision des prochaines législatives (fin avril 2017) qu’il ne souhaiterait pas voir une fois de plus boycottées par les circonscriptions kabyles, pour éviter une éventuelle et douloureuse succession de palais à la mort imminente de Bouteflika dont profiterait le MAK pour proclamer l’indépendance de la Kabylie, le régime algérien sort les grands moyens : interpellations à répétitions des militants souverainistes kabyles, financement du terrorisme islamiste et du salafisme chez nous, corruption, incendies de nos fragiles forêts par l’armée d’occupation, sabotage économique et pression fiscale sur nos entrepreneurs et nos commerçants, tentatives répétées de créer une organisation concurrente au MAK… Tout y passe ! Depuis la déferlante humaine lors des marches d’avril dernier un plan a été mis sur pied. Il a nommé de nouveaux responsables du DRS en Kabylie et en France et il leur a débloqué 100.000 000,00 DA pour acheter les Kabyles sur place et 500.000,00 euros en France pour corrompre la diaspora. Il se dit en haut-lieu que les soubresauts provoqués au sein du MAK, depuis début juillet, sont un début de résultat de cet argent. Je ne le crois nullement. L’intox est aussi une arme de guerre.

Cependant, et au vu de ce plan échafaudé contre nous, il y a lieu de reconnaître que nous sommes un mouvement ouvert, trop ouvert pour les infiltrations. Le moment est donc venu de revoir nos copies et d’opérer les transformations qu’impose la mise sur pied d’un instrument politique efficace au service de l’indépendance de notre mère-patrie : la Kabylie.

Aussi, devant la nécessité impérieuse de faire évoluer la lutte politique pour l’indépendance de la Kabylie, et pour ne pas sombrer dans la routine, il est nécessaire d’adapter les niveaux de responsabilité et l’ensemble de nos structures à la nouvelle étape que nous entamons dans notre combat pacifique. Il s’agit avant tout de rechercher l’efficacité, autant dans la prise de décision que dans la mise en œuvre de cette dernière pour parvenir à l’objectif stratégique du MAK-Anavad. Par essence, un combat est dynamique. Il n’y en a jamais de statique. Il enclenche des développements, enregistre des avancées qui, faute d’être capitalisés par des réajustements et des réaménagements structurels épisodiques, s’en vont en fumée. Ainsi, après les grandioses marches du 20/04/2016 il était impératif d’opérer une mutation à la hauteur de leurs résultats. Ces succès, au lieu de les banaliser, de n’y éprouver que de la satisfaction ou, pire, d’en être effrayés au point de reculer vers l’autonomie, appellent plutôt une nouvelle approche et de plus fortes convictions pour renforcer notre détermination à aller plus loin.

L’immense travail accompli par l’ex-président du MAK et son staff depuis 2011, de concert avec l’Anavad et ses institutions (Siwel), est à saluer. Toutefois, la conscientisation du peuple kabyle en faveur de son droit à l’autodétermination est aujourd’hui à clarifier. Désormais, le droit à l’autodétermination n’a de sens qu’en tant que droit à l’indépendance. Tout amalgame, toute confusion dans notre discours entre l’autonomie et l’indépendance est une reculade très préjudiciable à la marche de la Kabylie vers sa souveraineté.

Les meetings, expositions, tags, banderoles, tracts, conférences et marches populaires, discussions dans les milieux de sociabilité… sont donc toujours à l’ordre du jour. Le tout est répercuté par Siwel et les militants sur les réseaux sociaux où, ils doivent se comporter comme une famille solidaire, pédagogue et en acteurs du civisme et du patriotisme kabyle. Ce travail est à densifier et à décupler. Le terrain est à occuper en permanence par nos dirigeants qui doivent chacun se doter de son équipe de collaborateurs qui, à leur tour, sont sommés d’avoir les leurs. Cela créera davantage de relais pour la diffusion de notre message dans la société et autant de pivots pour notre action sur le terrain. Ces changements se feront avec une décentralisation de la décision.

La décentralisation consiste en l’autonomie des Coordinations Régionales. Dans le respect et la poursuite de l’objectif stratégique du MAK qui est l’indépendance de la Kabylie, cette autonomie concerne le programme d’action, la gestion financière et les nominations de ses membres à des postes de responsabilité et à des missions ponctuelles.

Cette autonomie de décision est en soi la marque de la maturité de la base militante et de l’encadrement du MAK. Refuser à nos structures cette autonomie serait un manque de confiance inadmissible en elles et une insulte à l’intelligence de nos militants. Cette autonomie implique une concertation démocratique entre les différents niveaux de hiérarchie (de la base au sommet) mais aussi l’observation de la discipline dans le fonctionnement des structures. Le respect de la hiérarchie, de l’autorité et des missions arrêtées est indiscutable. Cependant, une fois les instructions exécutées, les réunions de débriefing entre militants et responsables sont obligatoires pour permettre une expression démocratique et une évaluation de la qualité de l’exécution des décisions. Un procès-verbal doit toujours sanctionner les réunions et être envoyé aux différents niveaux de la hiérarchie, jusqu’au sommet de l’Anavad.

Les manquements à la discipline seront sanctionnés selon la gravité des faits. Cela va d’un simple avertissement verbal, à un avertissement écrit, puis à un blâme, voire une suspension temporaire. En cas de faits très graves, l’exclusion est prononcée par un conseil de discipline ad-hoc, composé de cinq membres élus par la Coordination Régionale dont trois parmi sa base militante.

Il y aura quatre (04) Coordinations Régionales (CR) : La 1ère Coordination Régionale (CR N° 1) sera composée de la Kabylie de l’Est (Vgayet, Jijel et Sétif). La Deuxième Coordination (CR N° 2) sera celle du Sud (Aqvu, Bordj-Bou Arréridj et Tuvirett). La CR N° 3 sera celle de l’Ouest (Tizi-Wezzu, Vumerdas), et la 4e est celle de la diaspora. Ces structures s’organisent en coordinations sous-régionales adaptées à l’efficacité du terrain. Elles sont libres de délimiter leurs sous-ensembles et leurs cellules de base, après avoir établi un état des lieux du Mouvement (nombre de militants, de sympathisants, de cotisants, de moyens matériels et financiers…).

Leur mission est d’assurer en permanence la présence du MAK sur le terrain en entreprenant le maximum d’actions possibles par semaine, voire par jour, dans leurs nombreuses localités. Cela consiste en la mobilisation quotidienne de la population en faveur du droit du peuple kabyle à son indépendance. Cela va de la diffusion d’une information, d’une instruction ou d’un mot d’ordre du MAK et/ou de l’Anavad, d’une visite d’un responsable dans un village, une ville ou un quartier, à l’organisation d’une prise de parole, un meeting, un débat, un soutien à un militant convoqué par les corps de répression coloniaux, une grève ou une protestation contre tout ce qui incarne l’Etat colonial algérien… Il y a lieu aussi d’inciter la population à arborer sur le maximum d’habitations des drapeaux kabyles et de refuser la visite des autorités coloniales chez nous.

Ces coordinations sont des instances transitoires jusqu’au Congrès extraordinaire qui statuera sur leur viabilité.

Chacune d’elles fait un compte-rendu hebdomadaire de son action au Comité de Coordination National et à l’Anavad. Elle établit son programme d’action, rédige les communiqués et tient à jour ses tableaux de bord (effectifs, cotisations, cibles d’actions politiques…)

L’autonomie d’action et de décision dont seront dotées ces structures vise à créer une émulation entre elles. Cependant, des actions concertées et coordonnées sont impératives et ont donc besoin d’un organe qui leur soit propre. Ce sera le Comité National de Coordination (CNC).

Le CNC sera composé des présidents de coordination et du président du Conseil d’Evaluation et de Contrôle (CEC). Sa présidence sera tournante, à raison de trois mois par mandat au début, avant de passer à un an après le congrès extraordinaire. Elles doivent se réunir au moins une fois par mois, et autant de fois que cela est nécessaire en cas de besoin.

L’organe d’évaluation général est le CEC.

Le Conseil d’Évaluation et de Contrôle est l’instance souveraine du MAK entre deux congrès. Il palliera l’absence de Conseil National que le Congrès d’At Zellal n’a pas pu élire. C’est une structure indispensable pour évaluer l’action générale des trois coordinations régionales. Il aura pour mission de délibérer sur des questions d’importance stratégiques, organiques et financières de l’ensemble du Mouvement. Je charge M. Mebarki et Mohand Ouamar Hachim de consulter les coordinations régionales afin de me proposer une liste de cadres, dévoués et compétents, candidats aux postes à pourvoir. Les responsables des coordinations sont invités à collaborer avec lui et à lui fournir les noms des cadres méritant de siéger au sein de cette instance jusqu’au congrès extraordinaire.

Chaque ministre de l’Anavad nommera parmi les membres des différentes instances du MAK son correspondant sur le terrain.

Le président de l’Anavad continue ses consultations internes, en concertation avec le premier ministre et le ministre des institutions pour la nomination des présidents des coordinations régionales. Ainsi, en termes de hiérarchie, il y a primauté de ces derniers sur les correspondants ministériels. Théoriquement, il n’y aura donc pas de conflit d’autorité au sein de ces instances.

Le Congrès extraordinaire est à envisager au plus tôt dans un an, voire 18 mois. Il faudra d’abord re-stabiliser le MAK, remettre tous les militants sur le terrain avant d’aller vers un congrès.

Cela nous amène à entamer une nouvelle étape de notre combat. Elle consistera à instaurer progressivement l’autorité du MAK sur la société. L’autorité s’acquiert par l’adhésion de ceux qui en sont convaincus et par une approche citoyenne et civique de ceux qui y résistent. Un échéancier de cette progression dans la maîtrise de la situation politique, économique, sociale et culturelle de la Kabylie, est à dresser. Pour en dégager la méthode et en évaluer la mise en œuvre, il y a lieu de mettre sur pied sous l’autorité du président de l’Anavad une structure conséquente, composée de cadres du terrain les plus compétents et les plus aguerris. Ses membres communiqueront directement avec le président de l’Anavad par tous moyens cryptés, et seulement cryptés. Les propositions des uns et des autres seront synthétisées par le président qui les soumettra à discussion interne et aux responsables des coordinations au fur et à mesure de leur validation.

Pour que toutes ces nouvelles instances et structures soient effectives, le président de l’Anavad, en tant qu’autorité suprême du MAK, suspend les dispositions des statuts relatives à la hiérarchie et l’organigramme affectés par les changements ainsi énoncés.

Fait le 23/11/2016.
M. Ferhat Mehenni (Président)

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