Chronique

Hommage à Hervé Gourdel au Trocadéro

Entre recueillement et colère

« Si j’avais leur âge, je serais l’un des leurs ! » disait Bouteflika en parlant des terroristes lors de sa campagne pour la concorde civile en 1999. N’est-ce pas le meilleur gage de soutien pour les sanguinaires de 2014, ceux-là mêmes qui ont décapité Hervé Gourdel ?

Quelque 300 personnes se sont rassemblées ce samedi après-midi sur le parvis des Droits de l’Homme au Trocadéro pour dénoncer l’assassinat abject et odieux de Hervé Gourdel mercredi dernier dans le giron du Djurdjura. La tristesse se lisait sur tous les visages des femmes et des hommes qui ont fait le déplacement pour prendre part à ce moment de recueillement. Des anonymes mais aussi des militants associatifs se sont succédé à la tribune pour exprimer leur soutien à la famille de la victime, pour rappeler que l’islamisme est une gangrène importée en Kabylie, pour fustiger le pouvoir d’Alger ; prompt à entretenir des poches terroristes dans une région réfractaire à la politique de Bouteflika.

Parmi les intervenants, il y avait Ferhat Mehenni, le maquisard de la chanson engagée, qui s’est fendu d’une violente diatribe envers le pouvoir et les islamistes, après une minute de silence à la mémoire de Hervé Gourdel. Il est revenu sur la situation délétère dans laquelle s’embourbe la Kabylie. Cette dérive a atteint, rappelons-le, son paroxysme avec la décapitation de Hervé Gourdel par le groupe d’Abdelmalek Gouri, alias Khaled Abou Souleymane, chef sanguinaire des Jund el Khilafah, nébuleuse terroriste affiliée de fraîche date au Daesh.

Pour Ferhat, l’État algérien en porte l’entière responsabilité ; il a livré la Kabylie à l’insécurité et à l’islamisme dans le but de la sanctionner contre sa volonté d’autodétermination. « Avec cet abominable assassinat, le pouvoir algérien a porté atteinte au patrimoine immatériel de la Kabylie : laanaya La protection », ajoutera-t-il.
Son analyse politique sur la situation qui prévaut en Kabylie, est on ne peut plus grave, puisqu’il soutient que le maintien du terrorisme et l’insécurité dans cette région est délibéré. Le pouvoir algérien s’escrimerait, selon lui, à montrer aux médias internationaux et aux chancelleries l’image d’une Kabylie complice avec l’hydre terroriste. Ce même pouvoir serait donc à encourager dans sa lutte contre les Kabyles qui l’empêcheraient d’éradiquer les terroristes.

Le fondateur du MAK n’oubliera pas de citer dans son intervention le joueur de la JSK, Albert Ebossé, assassiné au mois d’août dernier dans l’enceinte du stade,1er novembre de Tizi-Ouzou. Moh Chérif Hanachi ne serait pas exempt, selon Ferhat, de tout soupçon dans cette affaire. Il serait un nervi actif du pouvoir en place.

Avant de céder la parole, Ferhat Mehenni a tenu à réitérer l’essence même de son combat :

« La Kabylie a besoin de son propre État pour assurer sa sécurité et celle de son environnement. Seule une Kabylie indépendante est en mesure de garantir sur son territoire, la sécurité des personnes et des biens. »

Yasmina Oubouzar, militante du MAK et membre du GPK, a eu un discours très argumenté sur la stigmatisation actuelle de la Kabylie.

Les manifestants venus rendre hommage à cet alpiniste français ont montré une réelle inquiétude quant à l’avenir de leur région face aux sirènes de l’islamisation. Fondamentalement attachés aux valeurs démocratiques, laïques et agnostiques pour certains, ils s’interrogent sur le sort de la jeunesse kabyle appâtée par la salafisation, qui étend ses tentacules dans toutes les couches de la société. Des rituels archaïques et des accoutrements empruntés à une culture moyenâgeuse : kamis, barbe broussailleuse, kohl, niqab, jelbab avilissent la Kabylie. Une mode en vogue rehaussée par un discours religieux et haineux fort inquiétant, qui rappelle à bien des égards le début des années 90. Sommes-nous en train d’assister à un retour aux années sombres ?

Farid Bouhanik, 28 septembre 2014

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