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Dieu est un vendeur de cannabis

Troisième semaine de résidence à la Cabucelle, quartiers nord de Marseille, dont je commence à découvrir l’histoire ouvrière, le démantèlement des usines, l’arrivée des pieds noirs, puis le remplacement des Arméniens, Espagnols et Italiens, par des vagues de migrants venus ces dernières années d’Algérie, de Turquie, de Syrie, d’Irak.
La Cabu garde dans certaines ruelles le charme d’un village provençal mais ce qui frappe c’est la métamorphose lente et irrémédiable du 15 arrondissement de Marseille en cité musulmane pour ne pas dire islamique. Quelques bobos marseillais, égarés dans le quartier, vont crier au scandale, mais les faits sont têtus comme le disait le camarade Lénine. La Cabu a toutes les allures des banlieues crades de Tunis ou d’Alger et encore…
Il y a trois jours j’entrais dans l’une des épiceries de la rue de Lyon pour prendre des boissons pour un pot au foyer du boulevard Viala, où je travaille avec mon vaillant compagnon, le dessinateur Benoît Guillaume. Je cherchais de la bière que je ne trouvais pas quand j’entends de derrière un rayonnage une voix de jeune fille à l’accent marseillais prononcé :
– Vous cherchez quoi monsieur ?
– De la bière mademoiselle
– Ah, nan, monsieur, on vend pas de bière ici, si vous voulez de l’alcool faut aller en France…
La jeune fille était voilée de la tête jusqu’aux ongles des pieds.
Je suis rentré dans ma « résidence », pour me plonger dans le passionnant ouvrage de Bernard Ravet « Principal de collège ou imam de la République ». L’auteur a été principal durant une dizaine d’années dans des collèges du centre-ville et des quartiers nord de Marseille. L’auteur était principal du collège de Versailles, à Marseille, quand trois de ses professeures, habillées en jupe, se font agresser dans la rue à coups de cannettes et de cris : « Salopes, putes ». Il demande aussitôt à la police d’intervenir et de placer une patrouille devant l’établissement. Quelques jours après quatre jeunes barbus lui demandent audience il leur pose la question :
– Que voulez-vous ?
– Monsieur Ravet, on va pas se raconter d’histoires : vous savez ce qu’on fait
– Oui vous vendez de la dope
– Voilà, c’est notre métier. On en vit. Et à cause de vous on ne peut plus travailler
– À cause de moi ?
– Depuis une semaine on a la Bac sur le dos, toute la journée
– Et comment voulez-vous que je fasse ?
– Demandez-leur de partir
– Il y a un truc que je ne saisis pas, vous êtes croyants, pratiquants et vous vendez de la merde qui tue
– Non, mais les consommateurs ils ne sont pas musulmans. Si la drogue tue elle ne tue que des mécréants ? Ce n’est pas contraire à la religion.
À la fin les barbus lui demandent de lever la surveillance policière de l’établissement en échange aucune enseignante ne sera plus importunée quelle que soit sa tenue. Ils tiendront parole.
Extraits de Bernard Ravet, principal de collège ou imam de la république. Éditions Kero.

Bernard Ravet, principal de collège ou imam de la république, couverture.

Mohamed Kacimi

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