Biographie

François Charvériat captivé par la Kabylie

François Charvériat, nommé agrégé des facultés de droit au concours de 1884, fut désigné pour professer le Droit romain et le Droit maritime à l’École de Droit d’Alger. Ce ne fut pas sans un profond chagrin qu’il quitta la France. Il aurait pu mener une vie tranquille à Lyon, où il était né, au sein d’une famille qu’il aimait et dont il était tendrement aimé. Mais il était du nombre de ceux qui pensent que la fortune impose encore plus d’obligations qu’elle n’assure de loisirs ; et comme il n’avait embrassé la difficile carrière du professorat que pour faire le plus de bien possible, le sentiment du devoir l’emporta sur toute autre considération : il partit.

Sa vie de professeur, qui devait être, hélas ! si courte, il ne l’employa pas uniquement à faire ses cours avec tout le soin dont il était capable, il se mit à étudier le pays, et l’Algérie le captiva bientôt, non seulement par la beauté de ses sites et de sa végétation méridionale, mais encore et surtout par l’importance des questions que soulève la conquête d’un pays musulman par une nation chrétienne. Chargé de faire, en 1885, le discours de rentrée des Écoles supérieures, il choisissait déjà un sujet en rapport avec ses nouvelles études : l’Assimilation des indigènes dans l’Afrique romaine. Il pensait avec raison que la France n’aurait rien fait, tant que les indigènes ne seraient pas devenus de véritables Français ; mais il ne se rendait pas encore un compte exact des difficultés que soulevaient d’un côté la résistance des indigènes, et de l’autre la politique trop peu éclairée de la Métropole ; il comprit bientôt qu’un peuple dont toute la vie a pour base la religion mahométane ne pouvait devenir français qu’en devenant chrétien.

Il s’intéressa surtout à la Kabylie. Les habitants de ce pays n’ont ni la même origine, ni la même langue, ni tout à fait la même religion que les Arabes, car bien qu’ils aient adopté l’islamisme, qui leur a été imposé par la conquête, ils ne le pratiquent pas comme les Arabes et, pour leur organisation civile et politique, ils suivent plutôt leurs anciennes coutumes que les règles du Coran. C’est donc par les Kabyles que la France doit commencer la conquête morale de l’Algérie.

Pour mieux étudier cette race primitive qu’on peut désigner sous le nom de race berbère, François Charvériat visita plusieurs fois la Kabylie[1]. Un voyage qu’il fit en 1887, en compagnie d’un de ses collègues, et qui dura huit jours, a servi de cadre à son ouvrage. C’est le plus souvent à propos de faits dont il fut le témoin, qu’il examine les diverses questions qui importent le plus à un peuple : la religion, la famille, le mariage, l’instruction, la propriété, les idées politiques. Il y a ajouté de nombreux renseignements recueillis depuis, soit dans d’autres voyages, soit auprès des personnes connaissant le mieux l’Algérie et la Kabylie. Il a examiné, en outre, la politique suivie par le gouvernement pour préparer l’assimilation. François Charvériat avait épousé à Paris, au commencement de l’année 1888, une jeune fille qui, comprenant le but élevé de sa vie, avait eu le noble courage de vouloir la partager. Cette union, modèle des unions chrétiennes, fut de courte durée. La naissance d’un fils venait de lui donner une consécration nouvelle, quand François Charvériat fut rapidement emporté à Alger, le 24 mars 1889, à l’âge de trente-quatre ans, par une fièvre que ses travaux avaient peut-être déterminée.

L’ouvrage que sa famille offre aujourd’hui au public était entièrement achevé au moment de sa mort ; on n’a eu qu’à le mettre au net et à l’imprimer. Puisse-t-il, en faisant mieux connaître une partie de l’Algérie, aider à la solution de problèmes qui intéressent au plus haut point l’avenir de la France. Si ce vœu se réalise, François Chavériat fera, après sa mort, un peu de ce bien qu’il s’était proposé de faire pendant sa vie.

Avertissement de l’éditeur en préface de son ouvrage intitulé Huit Jours en Kabylie : à travers la Kabylie et les questions kabyles.

[1] François Charvériat a fait onze voyages en Kabylie.

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