Société

Rencontre de femmes

Invitées par Tassadit, 60 ans, quatre sœurs se rencontrent et parlent entre elles. Il y a Zedjiga, 64 ans, Malha, 58 ans et la benjamine Ouerdia 56 ans. Toutes mariées avec des enfants et petits-enfants.

Tassadit : « – Asslama a Werdi, a tamazozt n yemma Comment vont tes enfants ? Ta robe est très belle, t hewwec atas ! Toujours fidèle à la dentelle n lahrir iwadhyen ? Remarque, tu es notre petite bourgeoise maintenant. Et je vois que tu as à peine fini le deuxième étage de ta maison que tu entames déjà un troisième et cela sans parler de tes belles voitures ! Tu es vraiment bien gâtée par la vie toi ! De la devise, plusieurs pensions et tu portes plein de bijoux en plus…

Mon fils Djilali m’a dit qu’il a rencontré, la semaine passée, ta fille à Tizi. Que fait-elle à traîner comme ça, toute seule et tard le soir, dans la ville ? Tu ne contrôles plus ta fille ou quoi ? Remarque, tu étais comme ta fille aujourd’hui quand tu étais jeune célibataire toi aussi, et même après ton mariage malheureusement. Comme quoi, telle mère telle… »

Ouerdia : « Tamazozt [1] ? Je ne le suis plus depuis la mort de notre mère que vous n’aviez pleuré qu’hypocritement. Avant sa mort, j’avais vraiment une place et du poids dans la famille. Aujourd’hui, personne ne m’écoute ni ne m’invite ni ne demande mon avis ! Quant à ma fille que ton fils traite de traînée, elle se rendait chez sa copine qui l’a invitée à son mariage, sinon, elle ne sort jamais sans raison de la maison. Ma maison, je fais en sorte qu’elle devienne la meilleure dans toute la région et vous n’avez pas encore vu tous les meubles et le frigidaire n marikan [2] que j’ai acheté à Alger. Mais, touche le bois ! »

Zedjiga : « – C’est pour cela que tu n’arrêtais pas de pleurer le jour de la disparition de notre mère ? Elle te manquait à ce point ? Moi je dirai que c’est plutôt la fin d’une partie de ta manne lahram qui t’a fait verser, toi aussi, autant de larmes hypocrites. Tu l’avais dépouillée, et nous avec, de toute sa fortune. La preuve, comme notre père, elle aussi est décédée chez toi. Tu nous as toujours interdit de la prendre chez nous. Si elle n’avait pas touché autant de pensions, je suis convaincue que tu aurais été la première à la rejeter. Alors, aujourd’hui, que celle qui a profité d’elle la pleure toute seule, pas moi ! Quant à ta fille, mon fils aussi, Farid, l’a vu dans un endroit pas très recommandable dhi Tizi. Alors, pas la peine de jouer ici la sainte avec nous. »

Ouerdia : « – Que des commérages et des jalousies ! En tout cas ma fille n’est pas une voleuse de fiancés des autres filles et elle ne s’est pas retrouvée, hors mariage, avec un ballon dans le ventre comme ta salope de fille ! Ma fille est bien élevée. Tu crois que j’ignore comment vous l’avez cloîtrée plus de six mois à la maison pour cacher sa grossesse ? Au fait, qu’est-il advenu de son akluc [3] ? Vous l’avez laissé i dawla [4] ? C’est ça lahram et non les pensions de ma mère dont tu as eu ta part comme les autres. De plus, moi, je ne fais aucune différence entre mes enfants comme toi tu l’as fait en déshéritant complètement ton fils aîné des biens de son père. À moins que tu ne considères qu’il n’y ouvre pas droit pour des raisons que tu nous caches ! Remarque, de tous tes enfants, c’est le seul à ne pas ressembler à son père ! »

Malha : « – Oui, mais par rapport à toi, nous n’avons eu que des miettes ! Mon fils, Hamid, m’a dit qu’avec ses trois pensions, notre défunte mère touchait au moins une vingtaine de millions par mois. Et quand je vois comment ton château pousse tous les jours, je comprends mieux maintenant où est parti l’argent de nos parents. D’ailleurs, tu n’as déclaré son décès qu’après plusieurs années pour pouvoir continuer à percevoir sa devise. Tu as même poussé l’ostentation jusqu’à dépenser plus de cent millions rien que pour le mariage de ton fils aîné Rabah alors que moi je n’arrive même pas à joindre les deux bouts ! Ayarnu, aujourd’hui, comme tu ne sais même pas ce que tu possèdes, tu n’arrêtes pas de le pousser, en exerçant sur lui le chantage matériel, à divorcer de sa femme au prétexte qu’elle est issue d’une famille pauvre et qu’elle faire que des fausses couches. Tu n’as pas honte ! »

Sur ce, Tassadit intervient pour demander à ses sœurs d’arrêter de se chamailler en permanence et d’ajouter que celle qui n’avait rien à se reprocher venait avec elle pour le répéter au cimetière, en face des tombes de leurs parents et de celle du saint du village. Toutes ont trouvé des prétextes pour échapper à cet examen de conscience, par peur de daawesu. Mais l’arrivée de dda rezki, le mari de Tassadit, coupa court à cette arrehva n tlawin.

Par Timecriwect

Notes :

[1] (benjamine et préférée de leur mère).
[2] américain
[3] bâtard
[4] à l’État
Déjà publié le 24 mai 2012

Merci de respecter notre travail.